miércoles, 22 de noviembre de 2023

Résumé de la grammaire romane. Chapitre VI. Verbes.

Chapitre VI.

Verbes. 

Les verbes romans peuvent être classés en trois conjugaisons:

AR, ER ou RE, IR ou IRE.

La langue romane avait deux verbes auxiliaires:

AVER, avoir.

ESSER ou ESTAR, être. 

L' auxiliaire Aver appartient à la seconde conjugaison.

Quant aux verbes Esser et Estar, qui forment l' autre auxiliaire, Estar appartient à la première conjugaison, et Esser est à la fois irrégulier et défectif. 

Aver (1) Avoir.

Infinitif. (2)

Présent. Aver avoir

Part. présent. Avent ayant

Gérondif. Aven en ayant

Part. passé. Agut, avut eu

Prétérit. Aver agut, avut aver eu

Indicatif.

Présent.

Ai, ei j' ai

As tu as

A il a

Avem nous avons

Avetz vous avez

An, ant ils ont


Imparfait. 

Avia j' avais

Avias tu avais

Avia il avait

Aviam nous avions

Aviatz vous aviez

Avian, avien, avion ils avaient


Parfait simple.

Aic, agui j' eus

Aguist, aguest tu eus

Ac, aguet il eut

Aguem nous eûmes

Aguetz vous eûtes

Agueren, agueron ils eurent 

Parfait composé.

Ai agut, avut j'ai eu

As tu as 

A il a

Avem agut, avut nous avons

Avetz vous avez

An ils ont


Plus-que-parfait.

Avia agut, avut j' avais eu

Avias tu avais

Avia il avait

Aviam agut, avut nous avions

Aviatz vous aviez

Avian ils avaient


Futur.


Aurai, Aurei j' aurai

Auras tu auras

Aura il aura

Aurem nous aurons

Auretz vous aurez

Auran ils auront


(1) Quelques Mss. offrent l' H initial et même le B intérieur d' HABERE, primitif latin.

(2) Je place d' abord l' infinitif, parce qu' il serait impossible de se rendre raison des temps composés, si l' on n' avait déjà connaissance du participe passé.


Conditionnel. Subjonctif.

Présent. Présent.

Auria (1) j' aurais aia j' aye

Aurias tu aurais aias tu ayes

Auria il aurait aia il ait

Auriam nous aurions aiam, agam nous ayons

Auriatz vous auriez aiatz vous ayez

Aurian, aurion ils auraient aian, aion ils ayent


Parfait. Imparfait.

Auria agut, avut j' aurais eu agues j' eusse

Aurias tu aurais aguesses tu eusses

Auria il aurait agues il eût

Auriam nous aurions aguessem nous eussions

Auriatz vous auriez aguessetz, acses; vous eussiez

Aurian ils auraient; aguessen, aguon, acson; ils eussent


Impératif. Parfait.

aia agut, avut j' aye eu

Aias aye aias tu ayes

Aiam, aiem ayons etc. etc.

Aiatz ayez agues, agut, avut j' eusse eu Aian, aion qu' ils aient etc. etc.

Ce verbe auxiliaire s' employait quelquefois impersonnellement: 

loncx temps A, il y A long-temps.


(1) Le verbe Aver et plusieurs autres ont un double conditionnel présent:

Agra, agras, agra, agram, agratz, agran, agron; et, par analogie, un double conditionnel passé: Agra agut, avut, etc. (N. E. chap. haguera habut, avut o tingut o sabut &e, hagueres, haguere, haguerem, haguereu, hagueren)


Esser, Estar, Être.

Infinitif.

Présent. Esser Estar (1) être

Part. Présent. Essent Estant étant

Gérondif. Essen Estan en étant

Part. passé. Estat été

Prétérit. Aver estat avoir été


Indicatif.

Présent.

Sui, Soi, Son Estai, estau, estauc je suis

Est, Iest, Ses, Siest Estas tu es

Es, Ez Esta, estai il est

Em, Sem Estam nous sommes

Etz, Ietz, Es Estatz vous êtes

Sun, Son, Sont, So Estan, eston ils sont


Imparfait.

Era Estava j' étais

Eras Estavas tu étais

Era, Er Estava était

Eram Estavam nous étions

Eratz Estavatz vous étiez

Eran, eron Estavan, estavon ils étaient


Parfait simple.

Fui Estei je fus

Fust Estest tu fus

Fo, Fon Estet, estec il fut

Fom Estem nous fûmes

Fotz Estetz vous fûtes

Foren, foron Esteren, esteron ils furent

Parfait composé. Ai estat, etc. j' ai été

Plus-que-parfait Avia estat, etc. j' avais été

Futur.

Serai, serei, Er Estarai         je serai

Seras Estaras         tu seras

Sera, Er Estara il sera

Serem Estarem nous serons

Seretz Estaretz vous serez

Seran Estaran ils seront

 

(1) On trouve parfois estre, istar pour estar; je crois devoir les signaler ici, quoique Estre appartienne plus spécialement à l' ancien français.


Conditionnel.

Présent. 

Seria (1) Estaria Estera je serais

Serias Estarias Esteras tu serais

Seria Estaria Estera il serait

Seriam Estariam Esteram nous serions

Seriatz Estariatz Esteratz vous seriez

Serian, serion Estarian, estarion; Esteran ils seraient


Passé. Auria estat, etc. j' aurais été


Impératif. 

Présent.

Sias Esta sois

Sia Esta soit

Siam Estem soyons

Siatz Estatz soyez

Sian, Sion Esten, eston soient


Subjonctif.

Présent.

Sia Este, estia je sois

Sias Estes tu sois

Sia Este, estia il soit

Siam Estem, estiam nous soyons 
                
                Siatz Estetz vous soyez

Sian, Sion Esten, eston ils soient


Imparfait. 

Fos Estes je fusse

Fosses Estesses tu fusses

Fos, Fossa Estes il fût

Fossem Estessem nous fussions
                
                Fossetz
Estessetz vous fussiez

Fossen, fosson, fossan Estessen, estesson ils fussent


Parfait. Aia estat, etc. j' aye été

Plus-que-parfait. Agues estat, etc. j' eusse été


(1) Ou Fora, foras, fora, foram, foratz, foran – foren - foron.


Première conjugaison en AR.

Actif. 

Amar. Aimer. 

Infinitif.

Présent. Amar aimer

Part. présent. Amant aimant

Gérondif. Aman en aimant

Part. passé. Amat aimé

Prétérit. Aver amat avoir aimé


Indicatif. 

Présent. Parfait composé. 

Am, Ami j' aime Ai amat j'ai aimé

Amas tu aimes As tu as

Ama, Am il aime A il a

Amam nous aimons Avem nous avons

Amatz vous aimez Avetz vous avez

Aman, amon, amen ils aiment An ils ont


Imparfait. Plus-que-parfait. 

Amava j' aimais Avia amat j' avais aimé

Amavas tu aimais Avias tu avais

Amava il aimait Avia il avait

Amavam nous aimions Aviam nous avions

Amavatz vous aimiez Aviatz vous aviez

Amavan, amavon ils aimaient Avian ils avaient


Parfait simple. Futur simple. 

Amei, amiei j' aimai Amarai, amerai j' aimerai

Amest, amiest tu aimas Amaras tu aimeras

Amet (1) il aima Amara il aimera

Amem nous aimâmes Amarem nous aimerons

Ametz vous aimâtes Amaretz vous aimerez

Ameren, ameron ils aimèrent Amaran ils aimeront


(1) Cette troisième personne prit, dans quelques verbes, le C final au lieu du T, on disait indifféremment parlet, ou parlec, il parla, etc.


Indicatif. Subjonctif.


Futur composé. Présent.

Aurai amat j' aurai aimé Ame que j' aim

Auras tu auras Ames tu aimes

Aura il aura Ame il aime

Aurem nous aurons Amem nous aimions

Auretz vous aurez Ametz vous aimiez

Auran ils auront Amen, amon ils aiment


Conditionnel. 

Présent. Imparfait.

Amaria, amera j' aimerais Ames que j' aimasse

Amarias, ameras tu aimerais Amesses tu aimasses

Amaria, amera il aimerait Ames il aimât

Amariam, ameram nous aimerions Amessem nous aimassions

Amariatz, ameratz vous aimeriez Amessetz vous aimassiez

Amarian (1: amarion), ameran (2: amerion) ils aimeraient

Amessen, amesson, amessan            ils aimassent.


Parfait. Parfait. 

Auria amat j' aurais aimé Aia amat j' aye aimé

Aurias tu aurais Aias tu ayes

Auria il aurait Aia il ait

Auriam nous aurions Aiam nous ayons

Auriatz vous auriez Aiatz vous ayez

Aurian ils auraient Aian ils aient


Impératif. 

Présent ou Futur. Plus-que-parfait. 

Agues amat j' eusse aimé

Ama, Am aime Aguesses tu eusses

Ama qu' il aime Agues il eût

Amem aimons Aguessem nous eussions

Amatz aimez Aguessetz vous eussiez

Amen, amon qu' ils aiment Aguesson ils eussent


Deuxième conjugaison en ER, ou RE.

Actif.

Temer, craindre.


Infinitif.

Présent. Temer, craindre

Part. présent. Tement craignant

Gérondif. Temen en craignant

Part. passé. Temut, temsut craint

Prétérit. Aver temut, temsut avoir craint


Indicatif.

Présent. Parfait composé.

Tem, temi je crains Ai temut, temsut j' ai craint

Temes tu crains As tu as

Teme, Tem il craint A il a

Temem nous craignons Avem nous avons

Temetz vous craignez Avetz vous avez

Temen, temon ils craignent An ils ont


Imparfait. Plus-que-parfait.

Temia je craignais Avia temut, temsut j' avais craint

Temias tu craignais Avias tu avais

Temia il craignait Avia il avait

Temiam nous craignions Aviam nous avions

Temiatz vous craigniez Aviatz vous aviez

Temian ils craignaient Avian ils avaient


Parfait simple (1).

Temi, temei, temiei, temsi je craignis

Temist, temest tu craignis

Temi, temet il craignit

Temem, temim nous craignîmes

Temetz, temitz vous craignîtes

Temeren, temeron (2: temiren, temiron) ils craignirent 


Futur simple.

Temerai je craindrai

Temeras tu craindras

Temera il craindra

Temerem nous craindrons

Temeretz vous craindrez

Temeran ils craindront


(1) Des verbes en ER subissaient une contraction: vezer, voir, faisait vi, vim; d' autres étaient modifiés intérieurement: prendre, prendre, faisait presi, sem, setz (presem, presetz), etc.

 

Indicatif. Subjonctif.

Futur composé. Présent.

Aurai temut, temsut j' aurai craint Tema que je craigne

Auras tu auras Temas tu craignes

Aura il aura Tema il craigne

Aurem nous aurons Temam nous craignions

Auretz vous aurez Tematz vous craigniez

Auran ils auront Teman ils craignent


Conditionnel.

Présent. Imparfait.

Temeria, temera je craindrais Temes, temses je craignisse

Temerias, temeras tu craindrais Temesses, tu craignisses 

Temeria, temera il craindrait Temes, temses il craignît 

Temeriam, temeram nous craindrions Temessem nous craignissions

Temeriatz, temeratz vous craindriez Temessetz vous craignissiez

Temerian, temeran ils craindraient Temessen ils craignissent


Parfait. Parfait. 

Auria temut, temsut; j' aurais craint Aia temut, temsut j' aje craint

Aurias tu aurais Aias tu ayes 

Auria il aurait Aia il ait 

Auriam nous aurions Aiam nous ayons

Auriatz vous auriez Aiatz vous ayez

Aurian ils auraient Aian ils aient


Impératif. 

Présent ou Futur. Plus-que-parfait

Agues temut, temsut j' eusse craint 

Teme crains Aguesses tu eusses 

Teme, tem qu' il craigne Agues il eût 

Temem craignons Aguessem nous eussions

Temetz craignez Aguessetz vous eussiez

Temen, temon qu' ils craignent Aguesson ils eussent


Troisième conjugaison en IR et IRE. (1)

Actif. 

Sentir, Sentir. 

Infinitif. Sentir, sentire sentir

Part. présent. Sentent sentant

Gérondif. Senten en sentant

Part. passé. Sentit senti

Prétérit. Aver sentit avoir senti


Indicatif. 

Présent. Parfait composé.

Sent, Senti je sens Ai sentit j' ai senti

Sentis tu sens As tu as

Sent, Senti il sent A il a

Sentem nous sentons Avem nous avons

Sentetz vous sentez Avetz vous avez

Senten, senton ils sentent An ils ont


Imparfait. Plus-que-parfait.

Sentia je sentais Avia sentit j' avais senti

Sentias tu sentais Avias tu avais

Sentia il sentait Avia il avait

Sentiam nous sentions Aviam nous avions

Sentiatz vous sentiez Aviatz vous aviez

Sentian ils sentaient Avian ils avaient


Parfait simple. Futur simple.

Senti je sentis Sentirai je sentirai 

Sentist tu sentis Sentiras tu sentiras

Senti il sentit Sentira il sentira

Sentim nous sentîmes Sentiram nous sentirons

Sentitz vous sentîtes Sentiratz vous sentirez

Sentiren, sentiron; ils sentirent Sentiran ils sentiront

(1) Ces verbes, peu nombreux, offrent rarement des anomalies, et ce qui en fait une classe à part, e'est qu'en général ils n' ont qu'un conditionnel, tandis que les verbes des autres conjugaisons en ont régulièrement deux.

Indicatif. Subjonctif.

Futur composé. Présent.

Aurai sentit j' aurai senti Senta (1) que je sente

Auras tu auras Sentas tu sentes

Aura il aura Senta il sente

Aurem nous aurons Sentam nous sentions

Auretz vous aurez Sentatz vous sentiez

Auran ils auront Sentan ils sentent


Conditionnel.

Présent. Imparfait.

Sentiria je sentirais Sentis que je sentisse

Sentirias tu sentirais Sentisses tu sentisses

Sentiria il sentirait Sentis que il sentît

Sentiriam nous sentirions Sentissem nous sentissions

Sentiriatz vous sentiriez Sentissetz vous sentissiez

Sentirian ils sentiraient Sentissen, sentisson; ils sentissent


(1) Des verbes ont ce présent en ia, ias, ia, iam, iatz, ian - ion,


Parfait. Parfait.

Auria sentit j' aurais senti Aia sentit que j' aie senti

Aurias tu aurais Aias tu ayes

Auria il aurait Aia il ait

Auriam nous aurions Aiam nous ayons

Auriatz vous auriez Aiatz vous ayez

Aurian ils auraient Aian, aion ils aient


Impératif. 

Présent ou Futur. Plus-que-parfait.

Agues sentit que j' eusse senti

Senti, Sent sens Aguesses tu eusses

Senti qu' il sente Agues il eût

Sentam sentons Aguessem nous eussions

Sentetz sentez Aguessetz vous eussiez

Sentan, senton qu' ils sentent Aguesson ils eussent


Observations sur les verbes romans.

Je ferai d' abord remarquer que le passif des verbes romans se formait en joignant le participe passé de chaque verbe aux différents temps et modes du verbe Esser, sauf les temps composés, qui se formaient à l' aide du participe passé d' Estar: ai estat amat, j'ai été aimé. Les règles relatives aux conjugaisons passives ne souffraient jamais d' exception.

Le lexique offrant des détails nombreux et spéciaux, surtout à l' égard des anomalies particulières, je me bornerai à parler des exceptions ou anomalies communes à plusieurs verbes romans.

Les modifications subies par les verbes romans, en diverses personnes de leurs divers temps, consistaient ou dans les changements des désinences, ou dans les changements, additions, soustractions de lettres intérieures.

Les terminaisons des verbes romans offraient peu d' anomalies; en général, ces anomalies se trouvaient: aux participes passés, aux premières et aux troisièmes personnes du présent de l' indicatif, aux premières et aux troisièmes personnes du prétérit simple du même mode.

Les modifications intérieures s' appliquaient ordinairement aux mêmes temps des mêmes modes. 


Infinitifs.

Présent.

Dans quelques verbes romans en ER ou RE, en IR ou IRE, le présent de l' infinitif avait plus d' une terminaison.

Ainsi: Far, faire, et Faire, fazer.

Querer, quérir, Querre, et leurs composés.

Seguir, suivre, Segre, et leurs composés.

Dir, dire, etc., Dire, etc.

Remarque. Quand une anomalie s' explique par la conjecture très vraisemblable que les verbes où elle se trouve variaient primitivement la terminaison de leur infinitif, cette explication ne doit pas être rejetée.

Far, Faire, étaient très vraisemblablement des modifications de l' infinitif primitif Fazer, du latin Facere (N. E. castellano antiguo facer o fazer : hacer); aussi Far et Faire n' avaient-ils qu'un même participe présent fazent, qu'un même gérondif fazen (1).

De même, dans l' hypothèse inverse, si des verbes romans, tels que Vezer, voir, Plazer, plaire, etc., font au futur de l' indicatif veirai, plairai, etc., ne 

doit-on pas admettre que ces verbes ont eu une seconde terminaison au présent de leur infinitif Veire, Plaire, quand même celle-ci ne se retrouverait pas dans les écrits qui nous sont parvenus?

Le présent de l' infinitif pouvait se joindre à la plupart des prépositions: 

A far, a faire, DE servir, de servir; PER emblar, pour voler, etc.


Participes présents, gérondifs, participes passés.

Les participes présents et passés n' étant que des adjectifs verbaux, furent ordinairement soumis à la règle générale, qui ôtait à chaque adjectif latin la désinence caractéristique de ses cas. (2)

Les gérondifs romans, formés en supprimant DO, finale caractéristique de l' un des gérondifs latins, demeurèrent invariables, comme ils l' étaient dans la langue qui les avait fournis. (3)

(1) Les écrits des Vaudois, qui remontent à l' an 1100, offrent de ces terminaisons d' infinitifs, qui ne sont plus dans les écrits postérieurs, ainsi on y trouve Combater, combattre, Render, rendre, etc., au lieu de combatre, rendre, usités plus tard.

(2) Les participes présents dont la terminaison fut toujours ANT ou ENT, restèrent, comme adjectifs verbaux, soumis aux règles générales de l' S final, qui étaient imposées aux adjectifs ordinaires.

(3) AN ou EN fut la terminaison caractéristique de tous les gérondifs romans.

Ils s' employaient sans préposition, ou avec la préposition EN: 

Aman viu, je vis aimant; me vuelh en chantan esbaudir, me veux en chantant esbaudir.

Les participes latins, soit présents, soit passés, adaptés à la langue romane par la suppression de la désinence qui caractérisait leurs cas, paraissaient quelquefois manquer d' analogie avec le présent de l' infinitif, quand ce présent avait subi la modification souvent imposée à plusieurs autres verbes.

Ainsi de Credentem latin, était venu le participe roman crezent; mais le présent de l' infinitif latin Credere ayant, par des modifications successives, produit le présent de l' infinitif roman Creire, on ne reconnaîtrait pas d' analogie entre les temps de l' infinitif:

Creire, présent, venant de credere; 

Crezen, gérondif, credendo;

Crezent, participe présent, credentem;

Crezut, participe passé, creditum. 

La plupart des participes passés se formèrent directement par la suppression de la désinence du participe latin, quoique cette modification ne fût pas conforme à la modification subie par le présent de l' infinitif. (1: 

On s' étonnerait avec raison que le présent de l' indicatif Nascer, naître, eût produit le participe passé Nat, si l' on ne reconnaissait facilement que Nat a été dérivé directement de natum, et que l' infinitif Nasci, entrant dans la langue romane, qui donna à tous les infinitifs de sa deuxième conjugaison la désinence ER ou RE, prit cette terminaison ER et produisit Nascer.)

Un très grand nombre de verbes romans formèrent leurs infinitifs présents, leurs participes présents, leurs gérondifs, leurs participes passés, d' après des règles d' analogie aussi simples qu' invariables.

Présent. Part. présent. Gérondif. Part. passé.

Ar. 

Rom. Amar amant aman amat.

Lat. Amare amantem amando amatum.

ER ou RE.

Rom. Plazer plazent plazen plazut.

Lat. Placere placentem placendo placitum.

IR ou RE.

Rom. Auzir auzent auzen auzit.

Lat. Audire audientem audiendo auditum.

Comme la langue romane avait un assez grand nombre de participes passés qui s' éloignaient plus ou moins de cette forme ordinaire, je ferai quatre classes des différentes exceptions.

Première classe. Elle comprend les participes passés qui avaient été conservés du latin, sans autre altération que la suppression de la désinence, quoique le présent de l' infinitif eût subi une altération plus ou moins considérable:

PART. ROM. INF. ROM. PART. LAT. INF. LAT.

AT. Irat (1) irascer iratum irasci.

Nat nascer natum nasci.

ARS. Ars ardre arsum ardere.

AUS. Claus claure         clausum claudere.

ERT. Ubert ubrir         apertum aperire.

IPT. Escript escriure scriptum scribere.

IT. Fugit fugir fugitum fugere.

ORS. Cors         corre cursum currere.

ORT. Mort         morir mortuum moriri.

Deuxième classe. Elle se compose des participes passés romans qui, dans leur formation, offrirent des modifications remarquables, soit que le présent de l' infinitif eût été formé ou non d' après la règle générale:

AT. Tronat tronar tonitrum tonare.

ERS. Aers aerdre adhaesum adhaerere.

ES. Promes promettre promissum promittere.

Pres prendre prehensum prehendere.

IST. Quist querre quaesitum quaerere.

Vist vezer visum videre.

IT. Complit complir completum complere.

Salit salir saltum salire.

Seguit (2) segre, seguir secutum sequi.

Trahit trahire traditum tradere.

Trait traire tractum trahere. 

BUT. Recebut recebre receptum recipere.

CUT. Viscut viure victum vivere.

DUT. Mordut mordre morsum mordere.

GUT. Begut beure bibitum bibere.

PUT. Romput rompre ruptum rumpere.

ZUT. Cazut cazer casum cadere.

(1) La langue romane avait aussi le participe régulier irascut.

(2) On disait également segut.

Troisième classe. Elle offre les participes passés qui avaient été formés par analogie avec les autres participes romans, ou avec le présent de l' infinitif, soit que la langue latine n' eût pas un supin ou un participe d' où ils pussent être dérivés, soit que la nouvelle langue rejetât le supin ou le participe passé du verbe latin défectif. 

PART. ROM. INF. ROM. PART. LAT. INF. LAT.

ERT. Uffert uffrir offerre.

IT. Florit florir         florescere.

Luzit luzer lucere.

OLT. Tolt tolre tollere.

UT. Batut batre batuere.

Temut temer timere.

Quatrième classe. Cette dernière classe comprend les participes passés en AT des verbes romans qui, changeant la terminaison latine, étaient entrés dans la conjugaison en AR, quoique originairement ils eussent appartenu à une autre conjugaison latine. 

AT. Adolzat adolzar dulcitum dulcescere.

Cobeitat cobeitar cupitum cupere.

Oblidat oblidar oblitum oblivisci.

Tremblat tremblar         tremere.

Usat usar usum uti.

Quelques participes passés romans, dérivés directement des supins ou des participes passés de la langue latine, subirent parfois des modifications si peu importantes, et si faciles à reconnaître, que je n' ai pas cru nécessaire d' en faire une classe à part; tels sont entre autres:

Roman. Latin.

Fach, fait, factum

Destruit, destructum

Escrich, escrit, scriptum

Junh, joinh, junctum, etc. (1)

(1) L' euphonie, et même seulement l' orthographe ou la prononciation, ont pu produire ces légères altérations, ainsi:

CT, PT ont été facilement changés en C, CH ou T.

NCT, etc. en NH, etc.

Quant à l' introduction de l' I, elle fut si commune dans les autres mots que la langue romane dériva de la langue latine, qu' il n' est pas nécessaire de donner une nouvelle explication à cet égard.

Quelques verbes romans avaient plus d' un participe passé, comme:

Conques, conquist, de Conquerre, conquerer.

Elet, elegit, elegut,         Eleger, elegir.

Pour expliquer ces variétés, je dirai que de ces participes, les uns avaient été fournis directement par les participes latins, et que les autres furent formés par analogie d' après l' infinitif roman, ou d' après les infinitifs romans, quand le verbe en avait eu plus d' un.

Quant au féminin des participes passés romans, la terminaison A au singulier, et la terminaison AS au pluriel, caractérisaient ces adjectifs verbaux comme tous les autres; mais il est à observer que tous les participes qui au masculin se terminaient en T précédé d' une voyelle, changeaient au féminin ce T final en D, qui recevait l' A et l' AS caractéristiques du genre, amat, amada, aimé, aimée, etc. 

Cette règle était sans exceptions.

Indicatifs.

Présent. 

Les trois conjugaisons formaient ordinairement la première personne du présent de l' indicatif, en supprimant la finale caractéristique de l' infinitif.

Amar, temer, partir.

Voici les principales modifications que subissait la règle générale.

Cette première personne prenait très souvent un I, et quelquefois, mais rarement, un E: Azire, je hais; Descobre, je découvre.

Quelques verbes de la deuxième conjugaison pouvaient retrancher la consonne qui restait après la suppression de la finale ER ou RE, et y substituer la voyelle I; ainsi,

Dever faisait à la fois Deu et Dei.

Saber Sap et Sai, etc.

Lorsque, après la suppression de la finale caractéristique de l' infinitif, il restait deux consonnes, dont l' N était la pénultième, la dernière lettre fut ordinairement supprimée:

AR. ER ou RE. IR ou RE.

Chantar Atendre Blandir.

Mandar Rendre Sentir.

Quelquefois, mais très rarement, l' I final de la première personne du présent en EI, était supprimé dans certains verbes, tels que: crei, mescrei, qui produisit cre, mescre, etc.

On retrancha parfois la consonne finale placée après AU: Lauzar, produisit Lau, Auzir, Au, etc.

Souvent on changea des consonnes finales:

B en P. Trobar fit trop.

D en T. Gardar gart.

ID en G. Cuidar cug.

Z en G ou S. Auzir aug, aus.

Des verbes conservèrent ou reprirent la consonne finale que fournissait le verbe latin au lieu de celle qu' offrait le verbe roman.

ROMAN. LATIN. 

Prec de Pregar Precari. 

Sec segre sequi. 

Il y eut encore d' autres transmutations de consonnes finales; on les reconnaîtra facilement.

Quelques premières personnes du présent de l' indicatif furent terminées, en AUC, comme Vauc, je vais.

D'autres verbes prirent un C après la consonne finale, et SC après la voyelle: Tenc, je tiens, Posc, je peux, etc.

Quelques uns eurent indifféremment une terminaison en s, z, ts, comme 

fas, faz, fatz, je fais.

L' euphonie ou la prononciation locale modifia souvent le son de l' O placé avant une consonne finale, en UE et parfois en EI, OI:

Trobar, Trop, fit aussi truep.

Morir, Mor, muer.

Voler, Vol, vuel, vueil, vuoil.

Tolre, Tol, tuel, tueil, tuoil.

Assez souvent la première personne admet une modification intérieure, en recevant un I qui n' est point à l' infinitif: de Segre, ou Seguir, suivre, vint Seg ou Sec, qui fit aussi siec, je suis; de querre ou querer vint quier.

Toutes les secondes personnes des divers temps et des divers modes furent caractérisées par l' S au singulier et le TZ finales au pluriel; il n' y eut d' autres exceptions que le singulier du parfait simple de l' indicatif, et le singulier du présent de l' impératif.

La plupart des exceptions des premières personnes du présent de l' indicatif au singulier s' appliquaient aux troisièmes personnes, ordinairement formées, comme les premières, par la suppression de la désinence caractéristique de l' infinitif.

Une modification particulière à cette troisième personne, dans les verbes en IR principalement, ce fut de prendre un S final, soit en l' ajoutant, soit en le substituant à une autre consonne: Languis, il languit, au lieu de langui; Sors, il surgit, au lieu de Sort, etc.

Cet S final s' attacha à des troisièmes personnes de quelques verbes qui l' avaient rejeté de leurs premières, quoiqu 'll pût y rester d' après la règle ordinaire: Creis de creisser, croître, Nais de Naiscer, naître.

Quelques verbes terminés en NHER qui faisaient rarement ING à la première personne eurent assez ordinairement ING à la troisième, comme sofraing de sofranher, manquer, destreing de destrenher, étreindre, etc.

Parfait simple.

Les exceptions à la règle générale étaient plus rares pour les premières personnes que pour les troisièmes, qui offraient souvent des anomalies.

La première personne du singulier de la conjugaison en AR, ordinairement en EI, prenait quelquefois un I intérieur; amai, amiei, j' aimai; et, par suite de cette modification, la deuxième personne reçut aussi cet I intérieur: 

amest, amiest, tu aimas.

Les autres conjugaisons avaient ordinairement la première personne de leur parfait simple en I au singulier, mais parfois l' S final y était joint:

Dis, je dis y Fis, je fis.

Parfois aussi cette première personne dans la conjugaison en ER ou RE, se terminait en EI ou IEI: Temi, Temei, Temiei, je craignis.

On trouve des exemples de la terminaison en INC, comme dans retener, 

tener, venir; Retinc, je retins, Tinc, je tins, Vinc, je vins.

Les troisièmes personnes du singulier des verbes en ER ou RE, IR ou IRE, offrent des modifications si nombreuses et si variées, que je crois nécessaire de rassembler les principales dans un ordre alphabétique.

3e pers. Infinitif. 3e pers. Infinitif.

Ac. Ac aver Plac plazer.

Ais. Plais plazer Trais traire. 

Ars. Ars ardre.

Aup. Saup saber.

Aus. Claus claure.

Ec. Cazec cader Correc corre.

Sofrec sofrir

Bec beure Sec sezer.

Dec dever Tec tener.

Eis. Teis tener

Esteis estendre Peis penher.

Enc. Venc venir Sostenc sostener

Erc. Uberc ubrir

Ers. Ters terger

Aers aerdre

Es. Mes metre Pres prendre.

Ques querre

Et. Escondet escondre Sufret sufrir.

Eup. Receup recebre

Is. Dis dire Escris escriure.

Aucis aucire Fis faire.

Enquis enquerre Ris rire.

Oc. Moc mover Noc nocer.

Ploc placer Poc poder.

Conoc conoscer

Ois. Ois oinher Pois poinher.

Olc. Dolc doler Volc voler.

Tolc tolre

Ols. Absols absolvre Revols revolvre.

Sols soler

Ors. Tors tordre

Os. Apos aponre

Escos escoter


Quelques verbes ont à la fois différentes anomalies aux mêmes temps.

On a remarqué dans le tableau ci-dessus plazer et tener qui faisaient à la troisième personne du parfait simple plac et plais, tec et teis; j' indiquerai en outre le verbe fazer, faire, far, faire, dont la troisième personne du passé était à la fois en is, es, etz, ou ez, e: fis, fes, fetz, fez, fe.


Futur.

Les futurs restèrent généralement conformes à la règle primitive de leur formation, qui consistait, pour le futur simple, à joindre au présent de l' infinitif des verbes romans, le présent du verbe Aver, en entier au singulier et à la troisième personne du pluriel, et en aphérèse à la première et à la seconde personne de ce même pluriel (1: Amar ai, as, a, avem, avetz, an.), et pour le futur composé, à placer le futur simple de cet auxiliaire devant leur participe passé.

Les exceptions à cette règle étaient très rares ou s' expliquent facilement.

Ainsi, quelques verbes subirent la soustraction d' une voyelle intérieure, Tener, tenir, fit tenrai, et cette soustraction eut lieu pour toutes les personnes du singulier et du pluriel.

L' euphonie ou la prononciation locale a quelquefois changé le futur ARAI en ERAI, on trouve amerai pour amarai. De même, la terminaison AI se changeait parfois en EI, ce qui provenait sans doute de la double terminaison AI ou EI, première personne du verbe Aver, au présent de l' indicatif.

Le présent du verbe Aver resta souvent séparé de l' infinitif, on disait:

Amar l' ai pour l' amarai, je l' aimerai, Aucir m' an pour auciran mem' occiront, etc. 

De même, les verbes Aver et Esser, avec la préposition A devant l' infinitif des autres verbes, formèrent une locution qui servit à exprimer le Futur, comme, 

Ai a guerir, j' ai à guérir (je guérirai), m' er a morir, me sera à mourir (je mourrai).


Conditionnel.

Tous les verbes ont leur conditionnel en ia, ias, ia, etc., ajouté à l' infinitif.

Les verbes en AR eurent un double conditionnel: Amar ia, ias, ia, etc.; 

Am era, eras, era, etc.

Plusieurs verbes en ER ou RE eurent un second conditionnel en GRA, tels que:

Infinitif. Double conditionnel. Part. passé.

Aver avria agra agut.

Beure beuria begra begut.

Conoscer conoiria conogra conogut.

Dever devria degra degut.

Mover movria mogra mogut.

Nocer noceria nogra nogut.

Plazer plaseria plagra plagut.

Poter (poder) poiria pogra pogut.

Segre segria segra segut.

Tener tenria tengra tengut.

Valer valria valgra valgut.

Voler volria volgra volgut.


D'autres verbes, tels que venir, eurent aussi ce double conditionnel:

Venir venria vengra vengut.

D'autres, tels que saber, avaient A et IA, sabra, sabria.

Les soustractions subies par le futur eurent aussi lieu pour le conditionnel.


Impératif et subjonctif.

Il y a peu d' observations à faire sur ces deux modes.

Souvent, et surtout dans les verbes en ER et RE, la langue romane,comme le latin, employait le présent du subjonctif pour l' impératif: vulhatz, veuillez.

Quelquefois le présent de l' infinitif remplaça la seconde personne de l' impératif, surtout quand le verbe était précédé d' une négation: 

Hueymais non plorar tant, désormais ne pleures tant, am ric home no t fizar, avec puissant homme ne te fie.

Le verbe saber, savoir, prenait le CH intérieur, et faisait sapchatz, sapchon, etc.

Les verbes dont les prétérits simples ou les conditionnels avaient été modifiés intérieurement par des soustractions ou par des additions, conservaient ces modifications à l' imparfait du subjonctif, comme ce même verbe saber, qui faisait à ce temps Saupes, parce qu' il faisait Saup au prétérit simple de l' indicatif.

Dans ce cas, les différentes personnes gardaient leurs désinences ordinaires. Seulement quelques pays avaient adopté la désinence AN à la troisième personne du pluriel, ainsi on trouve passessan pour passessen, ils passassent.

Des verbes défectifs et irréguliers.

Les anomalies qui se rencontrent dans les conjugaisons d' un petit nombre de verbes romans défectifs ou irréguliers appartiennent au Lexique, qui réunira les explications et les exemples. Je me bornerai à présenter quelques observations sur un seul verbe de ce genre, Anar, aller, que je considérerai d' abord dans sa conjugaison et ensuite dans son emploi assez fréquent d' auxiliaire.

Conjugaison du verbe Anar. 

L' ensemble des temps de ce verbe fut évidemment formé de trois verbes

différents:

Anar.

Ir venant du latin IRE.

Vader Vadere.

La conjugaison d' Anar, dans tous les temps et dans tous les modes que les monuments romans nous ont conservés, étant entièrement conforme aux règles générales des conjugaisons des verbes en AR, il suffit d' en faire l' observation. 

Voici le tableau de la conjugaison des temps connus des deux autres verbes.

Infinitif. 

Prés. Ir Vader, aller. 

Indicatif.

Prés. Sing. Vau, vauc, je vais.

Vas, tu vas.

Va, vai, il va.

Pluriel. Van, ils vont.

Fut. sing. Irai j' irai. 

Iras tu iras.

Ira il ira.

Pluriel Irem nous irons.

Iretz vous irez.

Iran ils iront.

Conditionnel.

Singulier. Iria j' irais.

Impératif.

Singulier Vai (1), vas, va, va.

Subjonctif.

Singulier. Vaza, j' aille.

Pluriel. Vazan, ils aillent.


(1) L' adjonction du pronom personnel tu, te, avec l' adverbe EN, produisit la forme remarquable vai t'en.


Anar, consideré comme auxiliaire.

Ce verbe était auxiliaire de deux manières:

La première, lorsqu 'll précédait un autre verbe placé au gérondif, e'est-à-dire un participe invariable: No i anes doptan, n' y allez doutant (ne doutez pas), irai planhen, j' irai plaignant (je me plaindrai) van disen, ils vont disant (ils disent).

La seconde manière joignait le verbe anar au présent de l' infinitif qu' il régissait: Li anec dir, lui alla dire, iran cercar, ils iront chercher, vai li trasmettre, va lui transmettre.


Remarques. 

Il arriva fréquemment que la langue romane, à l' imitation du latin, n' exprima point les pronoms personnels qui étaient les sujets des verbes:

Singulier. 

1re pers. sous-entendu Ieu ... dirai un vers; je dirai un vers.

2e Tu quant ... l' auras; quand tu l' auras.

3e El meillers que ... non es; meilleur qu' ils n' est.

Ilh pus blanca ... es, plus blanche elle est.

Pluriel. 

1re pers. Nos trobat ... avem, trouvé nous avons.

2e Vos per so ... devetz, pour cela vous devez.

3e Els tant messongier... sun; tant mensongers ils sont.

Elas pus frescas ... sun; plus fraîches elles sont.

J' ai dit que Vos était presque toujours employé au lieu de Tu; par suite de cette règle, les verbes devant lesquels Vos se trouvait placé ou sous-entendu, quoique ne désignant qu'une seule personne, prenaient le pluriel; et pourtant les adjectifs qui se rapportaient au pronom restaient au singulier.

Ce fut aussi un caractère particulier à la langue romane que de mettre assez souvent au singulier le verbe auquel s' attachaient plusieurs sujets:

solas e cortesia mi platz, soulas et courtoisie me plaît.

La forme suivante est remarquable: Ab, avec, est considéré comme conjonction: lo reis, ab sos baros, pueion e lor spazas ceinzon, le roi, avec ses barons, montent et leurs épées ceignent.

On trouve parfois au pluriel non seulement les verbes dont un nom collectif est le sujet, mais encore les pronoms personnels qui se rapportent à ce nom collectif: Amor blasmon fola gent, amour blâment folle gent; pert sa gent, que no lor secor, perd sa gent, vu qu' il ne leur aide.

Pour suppléer les différentes opérations grammaticales qu' avait nécessitées chez les Latins l' effet de l' action d' un verbe sur un autre, la langue romane adopta QUE, pronom conjonctif invariable, qui permettant au sujet du second verbe de conserver le signe qui le caractérisait, ôta toute amphibologie, et laissa ce second verbe au mode indiqué par la forme ordinaire du discours.

Employé par la langue romane, et par les autres langues de l' Europe latine, ce QUE remplaça à la fois et la forme grammaticale que les modernes ont appelée la règle du Que retranché, et les nombreuses particules qui, dans la langue latine, étaient le lien de communication d' un verbe à un autre, telles que ut, ne, eo quod, quia, etc.

Cette forme de la langue romane était, à certains égards, préférable à l' emploi que les Latins faisaient de leur infinitif. Elle ajoutait à la clarté, elle servait à indiquer avec plus de précision différentes modifications de la pensée et du discours. En effet, les temps de l' infinitif latin n' offraient pas assez de nuances, pour rendre exactement quelques unes des modifications qu' a exprimées la langue romane, modifications qui, dans les divers modes, distinguaient si heureusement le présent, de l' imparfait; le prétérit simple, du prétérit composé; le prétérit, du plus-que-parfait, etc.

Quelquefois le Que conjonctif roman était sous-entendu, mais sa suppression n' empêchait pas le verbe d' être placé au temps qu' aurait exigé la présence du Que: Ben volgra … mi dons saubes, Bien je voudrais (que) ma dame sût; comme on aurait dit: Ben volgra que mi dons saubes.

Je parlerai dans le chapitre suivant du Que placé après les conjonctions, ou employé comme adverbe de temps.

Il m' eût été facile d' indiquer d' autres modifications, soit accidentelles, soit ordinaires, qu'on rencontre parfois en quelques modes, en quelques temps et en quelques personnes d' un petit nombre de verbes; j'ai réservé ces détails pour le Lexique.

Résumé de la grammaire romane. Chapitre V. Noms de nombres.

Chapitre V.

Noms de nombres


Cardinaux. Ordinaux. 

Masculin. Féminin. 

Un, premier, premiera.

Dos, segon, segonda.

Tres, ters, tersa.

Quatre, quart, quarta.

Cinq, quint, quinta.

Sei, sex, seizen, seizena.

Set, seten, setena.

Och (*), ot, ochen, ochena.

(* No es lo mismo que el och, òc, oc, hoc : sí afirmativo en lengua occitana, lenga d' Oc; aunque huit, huyt, vuit suena como oui, que se decía oil, oïl.)

Nov, noven, novena.

Dex, deze, dezen, dezena.

Vint, vintesme, ventesma.

Trenta, trentesme, trentesma.

Quaranta, quarantesme, quarantesma.

(Quaranta, coranta, cuarenta, 40, etc. quarantena, cuarentena, Cuaresma.)

Cent, cente, centesma.

Mil, mille, millesma.


Nombres cardinaux.

La langue latine déclinait unus, duo, tres, la langue romane, fidèle à son système d' imitation, distingua les sujets et les régimes dans un, dos, tres.

UN eut son féminin UNA, et fut soumis à la règle de l' S final. 

Dos fut régime, et Dui fut sujet; Amdos, Ambedos régime, et Amdui sujet, au masculin.

Conformément à la règle générale, Doas, Amdoas, féminins, furent tour à tour sujets ou régimes.

Trei fut sujet masculin; Tres, régime masculin, fut aussi sujet et régime féminin.

Dans les autres noms de nombres cardinaux, la langue romane ne distingue pas les sujets et les régimes.


Nombres ordinaux.


Comme sujets, ils prirent souvent l' S final.

Ceux qui finissent en N quittaient souvent cet N.

Plusieurs des noms de nombres ordinaux eurent la double terminaison EN, ou ESME, EISME.

Ils furent parfois employés substantivement.

lunes, 20 de noviembre de 2023

Résumé de la grammaire romane. Chapitre IV. Pronoms.

Chapitre IV.

Pronoms.


§ Ier. Pronoms personnels. (1)

1re Pers. Singulier. Pluriel.

Sujet. Ieu, eu, ie, me, mi, m', je, moi; nos, nous. 

Rég. Dir. Me, mi, m', moi; nos, nous. 

Rég. Ind. De me, de mi, de m', de moi; de nos, de nous. 

A me, a mi, me, mi, m', à moi; a nos, à nous.

2 Pers. 

Sujet. Tu, tu, toi; vos (2), vous.

Rég. Dir. Tu, te, ti, t', toi, te; vos, vous. 

Rég. Ind. De tu, de te, de ti, de t'; de toi, de vos, de vous.

A tu, a te, a ti, te, ti, t' à toi; a vos, à vous.


(1) Les pronoms personnels qui indiquent la première et la seconde personne, sont de véritables substantifs qu'on pourrait désigner par le nom de substantifs personnels ou de substantifs pronominaux.

Ceux qui indiquent la troisième personne sont des substantifs relatifs qui se rapportent toujours à un nom précédent, et qu'on pourrait appeler substantifs pronominaux relatifs.

Toutefois, je me conforme à l' usage en me servant du mot pronom.

(2) Généralement, on se servait de vos en parlant à une seule personne. 

(N. E. vos, vosté; usted; en Sudamérica se sigue usando mucho, y en portugués.)


Masculin.

3e Pers. Singulier. 

Sujet. El, elh, il, 'l, il.

Rég. Dir. El, elh, 'l, 'lh, lo, lui, l', le, lui.

Rég. Ind. D' el, d' elh, de lo, de li, de l', de lui, de lui.

A el (1), a elh, li, l', lui, a li, a lui, a l', à lui.

Pluriel. 

Sujet. Els, elhs, 'ls, il, ill, ilh, 'l, 'lh, 

Rég. Dir. Els, elhs, 'ls, los, li, l', eux, ils.

Rég. Ind. D' els, d' elhs, de lor, d' eux.

Els, a els, a elhs, a li, a lor, lor, à eux, leur.

Féminin. 

Singulier. 

Sujet. Ela, elha, ella, 'lha, el', il, 'l, lei, leys, lieys, elle.

Rég. Dir. La, lei, leis, lieys, la, elle.

Rég. Ind. D' ela, d' elha, d' ella,

De li, de lei, d' ellei,

De leys, de lieys, d' elleis, d' elle.

A ella, a li, a lei, a leys, a lieys, à elle.

Pluriel.

Sujet. Elas, elhas, ellas, elles.

Rég. Dir. Las, les.

Rég. Ind. D' ellas, de lor, d' elles.

A ellas, a lor, lor. à elles, leur.


(1) A, devant une voyelle reprend souvent le D originaire; on disait AD EL, AD ELLA, et quelquefois, par euphonie, AZ EL, AZ ELLA.

Se, si, s', se, soi, étaient employés au singulier et au pluriel comme sujets, ou comme régimes directs et indirects, mais, dans ce dernier cas, avec les prépositions DE ou A.

SE était quelquefois employé pour A SE, régime indirect.

Souvent avec les verbes il était pris, de même que SI, dans un sens neutre et impersonnel: Esdevenc SE que, IL advint que; SI anet, IL alla. (N. E. En las vidas se encuentra muchas veces SI FO : fue.)

SE quelquefois signifia ON.

En, ne, 'n, n', de lui, d' eux, d' elle, d' elles, en. La langue romane en fit usage au singulier et au pluriel, au masculin et au féminin, pour désigner non seulement des choses inanimées, mais même des personnes.

I, Y, HI, à lui, à elle, etc., furent aussi employés pour les personnes comme pour les choses.

Quelquefois des pronoms personnels recevaient explicitement d' autres pronoms tels que EIS, MEZEIS, même; Altres, autre, etc.: mi eis, moi-même; el eis, lui-même; els mezeis, eux-mêmes; vos altres, nos altres, vous autres, nous autres, etc.


Affixes. 

Un des caractères de la langue romane fut d' employer des affixes, c'est-à-dire:

M T S NS US

représentant me, mi, te, ti, se, si, nos, vos.

Elle dépouillait ME, MI, TE, TI, SE, SI de leur voyelle finale, et Nos et Vos de leur voyelle intérieure, pour attacher la consonne ou les consonnes qui restaient à la voyelle finale du mot précédent, et les y fixer: (1) 

No M meravill, ne m' émerveille; no T deus, ne te dois; no S pot, ne se peut; no NS cal, ne nous faut; no US vuelh, ne vous veux.

N fut quelquefois affixe pour NE, EN.

Cette forme n' était pas seulement une faculté accordée au poète pour faciliter la composition des vers; elle se trouve souvent aussi dans la prose.

(1) Quoique les manuscrits présentent toujours les affixes unis avec le mot qui précède, quoique même j' indique cette forme comme une règle invariable, j'ai cru cependant devoir les détacher dans l' impression, afin d' éviter les difficultés qu' offre le texte quand ils restent confondus.

(2) Dans mes Observations sur le Roman de Rou, je disais, en 1829:
"On a judicieusement observé que MON, TON, SON, ne sont pas des pronoms, attendu qu'on ne les emploie pas à la place de noms, mais que ce sont des adjectifs. On les appelle possessifs parce qu' ils indiquent, dit-on, la possession; mais n' indiquent-ils pas plutôt la relation à la personne ou à l' objet dont il s' agit dans la proposition, c'est-à-dire le rapport direct avec le sujet ou le régime qu' ils modifient. L' esclave qui dit mon maître, le captif qui dit ma prison, ne parlent pas de leur propriété, mais de ce qui affecte leur personne. Ce sont donc des adjectifs personnels.

J' ai cru toutefois devoir conserver la dénomination usitée.


§ II. 

Pronoms possessifs. (2)

Quand les pronoms possessifs sont placés devant le substantif auquel ils se rapportent, sans être précédés ni de l' article, ni de tout autre signe démonstratif, il faut les traduire par MON, TON, SON, MA, TA, SA, etc.

Au contraire, s' ils sont précédés de l' article ou de tout autre signe démonstratif, comme Cel, Un, etc., ils signifient le mien, ce tien, un sien, la mienne, cette tienne, une sienne, etc.

Parfois ils sont simples adjectifs et on les traduit par mien, tien, sien, mienne, tienne, sienne, etc.

La préposition DE ou A indique le régime indirect au singulier et au pluriel.

Masculin. Féminin. 

Singulier. 

1re Pers.

Sujet. Mos, mieus, meus; ma, mi, m', mieua, mia.

Nostres; nostra.

Rég. Dir. Mon, mieu, meu; ma, mi, m', mieua, mia.

Nostre (1); nostra.

Pluriel.

Sujet. Miei, mei, mieu, meu; mas, mieuas, mias.

Nostre; nostras.

Rég. Dir. Mos, mieus, meus; mas, mieuas, mias.

Nostres; nostras.

2e Pers. Singulier. 

Sujet. Tos, tieus, teus; ta, ti, t', tia, tieua, toa, tua.

Vostres; vostra.

Rég. Dir. Ton, tieu, teu; ta, ti, t', tia, tieua, toa, tua.

Vostre; vostra.

Pluriel.

Sujet. Tiei, tei, tieu, teu; tas, tieuas, toas, tuas.

Vostre; vostras.

Rég. Dir. Tos, tieus, teus; tas, tieuas, toas, tuas.

Vostres; vostras.


(1) On lit, dans le Roman de Fierabras, nos, vos, pour nostre, vostre.


Masculin. Féminin. 

Singulier. 

3e Pers.

Sujet. Sos, sieus, seus; sa, si, s', sia, sieua, soa, sua.

Lor; lor.

Rég. Dir. Son, sieu, seu; sa, si, s', sia, sieua, soa, sua. 

Lor; lor.

Pluriel. 

Sujet. Siei, sei, sieu, seu; sas, sieuas, soas, suas.

Lor; lor.

Rég. Dir. Sos, sieus, seus; sas, sieuas, soas, suas.

Lor, lors; lor, lors.


On trouve parfois MON, TON, SON, NOSTRE, VOSTRE, sujets au singulier, et NOS, TOS, SOS, sujets au pluriel, quoique la règle générale leur assignât la seule qualité de régimes. MA, TA, SA subirent souvent l' élision devant les mots qui commençaient par une voyelle ou une H muette: M' amors, T' amistatz, S' honors, Mon amour, Ton amitié, Son honneur.

§ II.

Pronoms démonstratifs.

Les pronoms démonstratifs romans furent:

Cel, est. 

Aicel, cest

Aquel, aquest.

La règle de l' S qui distinguait les sujets et les régimes fut quelquefois 

appliquée aux pronoms démonstratifs masculins.

Les pronoms féminins prirent ordinairement l' A final au singulier, et AS au pluriel.

Mais aussi d' IL, pronom personnel féminin, furent dérivés par analogie CIL, AICIL, etc., pour caractériser le pronom démonstratif féminin au singulier, quand ce pronom était sujet.

Par la même raison, LEIS, féminin du pronom personnel, fournit les pronoms démonstratifs féminins CELLEIS, SELEYS, etc.

De LUI masculin au singulier, vint CELUI, etc. 

Et d' IL masculin sujet au pluriel, furent formés CIL, AQUIL, etc.

Ces pronoms démonstratifs étaient quelquefois seuls, et alors, dans leurs fonctions de relatifs, on les employait substantivement, ainsi que les pronoms personnels.

Plus souvent ils étaient joints à un nom, et ne remplissaient que la fonction d' adjectifs.

Les pronoms démonstratifs s' appliquaient aux objets animés et inanimés. Plusieurs se modifiaient de manière à être employés neutralement.

CEL, et ses dérivés.

Masculin. Féminin.

Singulier.

(Fr. ce, cet; celui-ci, celui-là; celle, cette; celle-ci, celle-là.)

Sujet. Cel, selh, celui, cella, cilh;

Aicel, aicella, aicil,

Aquel, aquella, aquil.

Rég. Dir. Cel, celui, cella, celleis

Aicel, aicella,

Aquel, aquella, aquelleis,

Pluriel.

(Fr. ceux, ces; ceux-ci, ceux-là; celles, ces; celles-ci, celles-là.)

Sujet. Cil, cels, cellas,

Aicil, aicels, aicellas,

Aquil, aquels, aquellas, 

Rég. Dir. Els, los, las,

Cels, cellas,

Aicels, aicellas,

Aquels, aquellas,


Les différentes prépositions qui précédaient ces pronoms ou les substantifs auxquels ils se rapportaient, faisaient reconnaître les régimes indirects.

EST, et ses dérivés.

Masculin. Féminin. 

(Fr. celui, ce; celui-ci, celui-là. Celle, cette; celle-ci, celle-là.)

Singulier.

Sujet. Est, esta, ist,

Cest, cesta, cist,

Aquest, aquesta, aquist,

Rég. Dir. Est, esta, ist,

Cest, cesta,

Aquest, aquesta,

Pluriel.

(Fr. ceux, ces; ceux-ci, ceux-là. Celles, ces; celles-ci, celles-là.)

Sujet. Ist, est, estas,

Cist, cest, cestas,

Aquist, aquest aquestas,

Rég. Dir. Ests, estas,

Cests, cestas,

Aquests, aquestas,

Les pronoms démonstratifs so, aisso, aco, aquo, ce, ceci, cela, furent employés neutralement, c'est-à-dire d' une manière indéfinie.

Ces pronoms étaient invariables, et il est à remarquer qu' ils se plaçaient avec le verbe auxiliaire ESSER au singulier et au pluriel: so es, c'est; so son, ce sont.


§ IV. 

Pronoms relatifs.

Lorsque el, lo, ella, la, lor, etc., il, elle, les, eux, etc., désignaient des objets non animés ou non personnifiés, ils devenaient pronoms relatifs.

O et Lo étaient employés neutralement comme relatifs: Non o farai, ne le ferai; no lo deman, ne le demande.

EN, NE, en, de cela, et Y, I, HI, y, s' appliquaient aux personnes et aux choses, sans recevoir aucune modification de genre ni de nombre.

QUI, QUE, etc.

Sujet. Qui, qi, ki, que, che, qe, ke, qu', ch', k', q', c'; qui. 

Rég. Dir. Que, che, qe, ke, cui, qu', ch', etc.; que, quoi.

Rég. Ind. De qui, de cui, cui, de que, don; de qui, de quoi, dont.

A qui, a cui, cui, a que; à qui, à quoi, dont.

Qui masculin ou féminin faisait, au singulier et au pluriel, la fonction de sujet.

On ne le trouve pas avec les pronoms démonstratifs employés neutralement, auxquels s' adjoignait QUE.

Qui, cui, étaient quelquefois régimes directs, mais plus souvent régimes indirects, et ordinairement CUI était précédé d' une préposition.

QUE servait au singulier et au pluriel, au masculin et au féminin, et après les mots employés neutralement: il était également sujet ou régime, et régime direct ou indirect; mais, comme régime indirect, il était précédé de la préposition.

Don, dont, exprimait la relation des mots latins CUJUS, A QUO, etc., et de l' adverbe DE UNDE.

ON, où, auquel, en qui, faisait fonction de pronom relatif lorsqu'il se rapportait aux personnes ou aux objets personnifiés.

La langue romane forma un autre pronom relatif de qualis, qual; placé après l' article, il remplissait la fonction du QUI, du QUE, du CUI, et du DON.

L' article de ce relatif QUAL reçut les modifications usitées pour les genres, les temps, et les régimes; et QUAL reçut celles qui étaient établies pour les adjectifs communs: lo qual, la qual, li qual, los quals, las quals, dels quals, de las quals, etc.

QUE employé dans un sens neutre, remplissait la fonction du QUID latin: 

No sai QUE dire, ne sais que dire.

Le pronom relatif QUE, etc., comme sujet, était quelquefois sous-entendu, surtout en poésie: Anc no vi dona ... tan mi plagues, oncques ne vis dame (qui) tant me plût.

Ce même pronom était aussi employé en supprimant le sujet ou le pronom démonstratif auquel il se rapportait, soit expressément, soit tacitement: 

Qui en gaug semena, plazer cuelh, (celui) qui en joie sème, plaisir recueille.

QUI, sujet, était même placé après des verbes ou des prépositions dont il ne devenait pas le régime, parce que ce régime, c'était le pronom démonstratif sous-entendu: Ley demostra a... qui ha sen, loi démontre à (celui) qui a sens.

On trouve la préposition et le régime sous-entendus à la fois.

QUAL, CAL, quel, pronom relatif, fut appliqué aux personnes et aux choses. 

Il se rapportait toujours à un substantif.

Qui, qui, Que, que, Qual, Cal, quel, Que, quoi, soit comme sujets, soit comme régimes, dans les différents genres et dans les différents nombres, étaient placés en forme interrogative: E QUE val viure ses amor? Et que vaut vivre sans amour?


§ V. 

Pronoms indéfinis.

Les uns furent employés comme substantifs, les autres comme adjectifs; quelques uns remplirent tour à tour les deux fonctions; il y en eut même qui furent usités neutralement.

Voici les principaux:

Om, hom, se, on, l' on.

Quecx, usquecx, chaque, un chacun.

Cadun, cascun, cac, cad, chacun, chaque,

Degun, negun, nulh, lunh (nul), non-aucun, nul.

Alque, alcun, qualque, qualacum, qualaquom; aucun, quelqu'un, quelque.

Altre, al, altrui, autre, autrui.

L' un, laun (*), l' altre, l' un, l' autre.

Eis, meteis, mezeis, medes, metes, même, le même. 

Mant, molt, mout, maint, moult.

Plusor, trop, plusieurs, beaucoup.

Totz, trastotz, trestotz, tout, très-tout.

Tant, quant, tant, combien.

(* N. E. encara se fa aná al chapurriau, laun y l' atre son idiotes.) 

Les pronoms indéterminés quecx, usquecx, furent ordinairement substantifs, mais aussi quelquefois adjectifs.

Cadun, cascun, negun, degun, nulh, lunh, selon qu' ils étaient sujets ou régimes, masculins ou féminins, se modifiaient, tant au singulier qu'au pluriel, conformément aux règles établies pour les substantifs et pour les adjectifs.

Altrui fut des deux genres, au singulier et au pluriel, et s' employa adjectivement et substantivement.

Plusor, qui ne s' employa qu'au pluriel, fut également des deux genres, et figura tour à tour comme substantif et comme adjectif.

Eis, meteis, eissa, meteissa, s' appliquaient aux choses et aux personnes, et se joignaient quelquefois à un adverbe; dans ce dernier cas, ils s' employaient adverbialement.

Totz recevait au féminin l' A, et faisait au pluriel tuit, tut, tug, tuich, totas; sujet ou régime, il se modifia d' après les règles qui régissaient les adjectifs.

Il en fut de même relativement aux pronoms trastot, mant.

Tous les adjectifs de quantité indéterminés peuvent être placés parmi ces pronoms.

Résumé de la grammaire romane. Chapitre III. Adjectifs.

Chapitre III. 

Adjectifs. 

L' adjectif roman s' accordait en genre et en nombre avec le substantif auquel il se rapportait.

L' A final caractérisait les adjectifs féminins.

Pour indiquer que l' adjectif masculin se rapportait à un sujet ou à un régime, soit au singulier, soit au pluriel, il suffisait de la présence ou de l' absence de l' S final.

Les adjectifs communs aux deux genres ne prenaient point la terminaison A, quand ils étaient joints à un nom féminin; mais ils recevaient au singulier l' S final comme sujets; et au pluriel, soit sujets, soit régimes, au féminin comme au masculin, ils gardaient toujours cet S.

Les adjectifs terminés originairement en S le conservaient au singulier et au pluriel, qu' ils fussent employés soit comme sujets, soit comme régimes.

Quelquefois le féminin ajoutait son signe final A: fals, falsa, faux, fausse; dans certains cas même cet A remplaçait l' S final: savis, savia, sage.

Les adjectifs romans remplissaient parfois les fonctions de substantifs.

Ils étaient souvent employés impersonnellement avec le verbe ESSER

Bel m' es, il m' est beau.

Souvent aussi ils avaient des régimes tels que A, DE, etc.: Leu A chantar, léger à chanter; paubre d' aver, pauvre d' avoir.


Degrés de comparaison.


Ce fut par le secours des adverbes de quantité plus, mais, mens, mielhs, aitant, etc., que la langue romane exprima ordinairement les degrés de comparaison.

Si ces adverbes auxiliaires n' étaient précédés ni de l' article, ni d' un pronom possessif, ils désignaient le comparatif, après lequel la langue romane plaçait communément QUE ou DE. (1: Le QUE pouvait être sous-entendu).

Parfois elle adopta, pour exprimer PLUS, la terminaison latine OR, et dans cette circonstance ER désigna le sujet, au singulier, et OR les régimes; au pluriel, le sujet et les régimes prirent la désinence OR.

Pour exprimer le superlatif, on plaça l' article ou le mot qui le suppléait devant le comparatif ou devant l' adverbe de comparaison.

Quelquefois les terminaisons AIRE, EIRE, IRE caractérisèrent, mais au singulier seulement, le sujet des termes de comparaison, et alors ils reçurent les désinences ADOR, EDOR, IDOR, quand ils étaient employés comme régimes.

Quelquefois aussi, mais rarement, le superlatif fut emprunté de la finale latine issimus, et prit la terminaison ISME: altisme, très haut; sanctisme, très saint.

Résumé de la grammaire romane. Chapitre II. Substantifs.

Chapitre II. 

Substantifs

Ils étaient masculins ou féminins. 

L' article, la terminaison, les faisaient ordinairement reconnaître, et indiquaient le singulier ou le pluriel.

Comme on ne peut pas dire qu' il existe des CAS dans les langues dont les substantifs ne varient pas leurs désinences d' une manière qui désigne ces CAS, il m' a paru plus simple de les distinguer en Sujets et en Régimes, avec d' autant plus de raison que la langue romane possédait une forme caractéristique, spéciale pour les distinguer.

Au singulier, l' S final attaché à tous les substantifs masculins et à la plupart des substantifs féminins terminés autrement qu'en A, indiquait qu' ils étaient employés comme Sujets; et l' absence de l' S, qu' ils l' étaient comme Régimes directs ou indirects.

Au pluriel, les sujets ne recevaient pas l' S, qui, au contraire, s' attachait aux régimes directs et indirects.

Les noms féminins en A, sujets ou régimes, ne recevaient jamais au singulier l' S final, et l' admettaient toujours au pluriel.

Les substantifs qui originairement se terminaient en S, le conservaient soit au singulier soit au pluriel, comme Ops, besoin, Temps, temps, Vers, vers.

Concurremment avec cette règle il existait toutefois une forme particulière qui faisait distinguer au singulier le sujet et le régime de quelques substantifs masculins. Ces substantifs reçurent la finale AIRE, EIRE, IRE, comme sujets au singulier, Trobaire, troubadour, Bateyre, batteur, Servire, serviteur, et la finale ADOR, EDOR, IDOR, comme régimes directs ou indirects au singulier, et comme sujets ou régimes au pluriel, Trobador, Batedor, Servidor.

L' S ne s' attachait jamais à ces sortes de substantifs au singulier, parce que la terminaison suffisait pour distinguer le sujet en AIRE, EIRE, IRE, du régime direct ou indirect qui était toujours en ADOR, EDOR, IDOR, mais au pluriel, qui avait toujours cette dernière désinence, l' S marquait les deux espèces de régimes.

Plusieurs substantifs, par leur double terminaison masculine et féminine, pouvaient être employés tour à tour dans le genre qui convenait aux auteurs comme fuelh, fuelha, feuille; joy, joya, joie; ser, sera, soir; dons (: dona), domna, dame: mais alors, pour ce dernier substantif, le pronom possessif qui était joint à dons, était MI, TI, SI, au lieu de MA, TA, SA:

MI dons, SI dons, etc.

EN, placé devant un nom propre masculin, indiqua une sorte de distinction de la personne, et signifiait seigneur, sire: En Peyrols, En Guilems. 

(N. E. Creo que de mossen, mon seigneur, senher etc.: 'N Uc, N' Anfos.)

NA, au-devant du nom d' une femme, avait la signification de dame, domiNA: NA Maria, Na Margarida.

Ces signes furent placés même devant les sobriquets ou noms fictifs qui 

étaient donnés à des personnes qualifiées.

Ils furent ajoutés quelquefois aux mots qualificatifs senher et domna:

senher EN Enric, domna NA Maria.

NA subissait parfois l' élision devant les noms qui commençaient par des 

voyelles: N' Agnes pour Na Agnes.

De même, en poésie, pour la mesure du vers, on écrivait indifféremment EN ou N, quand le mot précédent se terminait par une consonne.

Enfin au lieu de EN, on employa aussi DON, DOM, venant de dominus, et qui avait la même signification.


Verbes employés substantivement.


A l' exemple de la langue grecque et de la langue latine, les présents des infinitifs furent souvent employés substantivement.

Comme sujets, ils prirent ordinairement l' S final.

Comme régimes ils rejetèrent cet S.

Les régimes indirects furent précédés des prépositions qui les désignaient.

Quelquefois l' article fut joint à ces verbes, soit sujets, soit régimes; quelquefois ils furent employés sans articles, ainsi qu'on le pratiquait à l' égard des substantifs mêmes.

Aux verbes employés substantivement s' attachèrent comme aux véritables substantifs, les pronoms possessifs, démonstratifs, etc., et tous les différents adjectifs; en un mot, ces verbes remplirent entièrement les fonctions des substantifs ordinaires.

Par analogie, les gérondifs furent aussi employés substantivement, et alors ils étaient précédés de l' article: Al pareissen de las flors, au paraissant des fleurs.

Résumé de la grammaire romane. Chapitre premier. Articles

Chapitre premier.

Articles.

Les articles romans, formés des nombreuses contractions, altérations et modifications des différents cas du pronom latin ILLE, étaient:


Masculin.                 Féminin. 

Singulier. 

Sujet. El, elh (1), 'l, 'lh, lo, le, l',    le; la, il, ill, ilh, li, l',
                                                                la 
'l, 'll, 'lh,

Rég. Dir. El, elh, 'l, 'lh, lo, l', le; la, l', la.


Rég. Ind.
Al, el, 'l, a lo, au, au, à l'; a la, a l', à la.

Del, de lo, deu, du, de l'; de la, de l',         de la.


Pluriel.

Sujet.  Els, elhs, los, li, il, ill, 

Rég. Dir. l', 'ls, 'l, 'll, les; las, les.

Rég. Ind. Als, as, aus, a los, a li, 'ls, aux; a las;                                                                                aux.

                Dels, des, deus, de los, de li; des; de las, des. 


Les noms propres ne prenaient point l' article.

Il était parfois supprimé devant les substantifs et après les prépositions.

L' article qui précédait la plupart des noms substantifs, se plaçait de même au devant des noms employés substantivement.

Il servait ordinairement à distinguer les genres, les nombres, et quelquefois le sujet, le régime.

(1) L' H et le double L (LL) ajoutés, dans quelques manuscrits, aux articles ainsi qu'à un grand nombre d' autres mots romans, ne changeaient en rien leur nature. Ces légères dissemblances provenaient généralement du système d' orthographe adopté par les copistes, ou de la différence de la prononciation, modifiée selon les pays.

Résumé de la grammaire romane. Observations préliminaires. (+ Index)

Résumé de la grammaire romane.

Observations préliminaires.

Lorsque je publiai la Grammaire de la langue romane, il ne s' agissait que de préparer à la lecture des poésies des Troubadours, et je me bornai à exposer les règles qu' il était nécessaire de connaître pour comprendre facilement ces poésies.

Depuis cette publication, et à mesure que j'ai travaillé au lexique roman, j'ai reconnu que, pour le rendre véritablement curieux et utile, il était indispensable d' y insérer les mots que fournissaient d' autres documents de cette langue, surtout les ouvrages écrits en prose, et je n' ai pas hésité à donner à mon travail une latitude, un développement, qui l' a augmenté de plus de la moitié.

Ces ouvrages, appartenant à différents pays et à diverses époques, ont offert quelques accidents grammaticaux qui, sans rien changer aux règles générales que j' avais déjà recueillies, méritent pourtant d' être signalés.

Je les ai donc compris dans ce résumé, avec d' autant plus de raison que ces accidents grammaticaux se trouvent dans des exemples du lexique et même, pour la plupart, dans les nouvelles poésies romanes que je publie.

C'est ainsi que j'ai dû indiquer, dans le tableau des articles, LE, sujet au singulier, au lieu de LO, pour le masculin, et LI, en place de LA, également sujet féminin au singulier, par le motif que ces deux modifications, et quelques autres introduites successivement par l' usage ou la prononciation locale, se rencontrent assez fréquemment dans divers ouvrages en prose et en vers de la fin du XIIIe siècle, et dans les manuscrits dont l' écriture est postérieure à cette époque.

Je ferai remarquer que ce changement de désinence, quoiqu'il n' eût pas lieu régulièrement, fut peut-être occasionné par le besoin de distinguer quelquefois l' article LO, sujet, du même article LO, régime direct.

Une cause semblable fit probablement adopter au singulier l' article LI, féminin sujet, tandis que les articles féminins, régimes directs et indirects, au singulier, conservèrent LA.

Dans ma grammaire j' avais déjà indiqué DES, AS, comme contraction des articles DELS, ALS; j' ajoute aujourd'hui DEU, DEUS, et AU, AUS, comme employés quelquefois pour DEL, DELS, du, des, et pour AL, ALS, au, aux.

Quelques substantifs et adjectifs reçurent l' E final, tels que om, sanct, homme, saint, qu'on écrivit ome (1: Om prit parfois la terminaison EN, on disait omen, nomen.), sancte, au singulier, et omes, santes au pluriel.

Quelques noms, en adoptant cette nouvelle désinence, ne furent employés qu'au pluriel, tels furent verses, vers, corses, corps, grosses, gros.

De même, ayant rencontré assez fréquemment LAUS, LAUN, l' un, pour LO US, LO UN ou L' US, L' UN, je n' ai pas hésité à placer ce mot dans le lexique, et à ne pas rejeter, dans ce nouveau choix de poésies romanes, les vers où ce mot se trouve employé.

Il en a été ainsi de senhen, contraction de senher En, seigneur sire. 

Je me borne à ces indications; elles expliquent assez le but que je me suis proposé en comprenant ces légères modifications dans le résumé de la grammaire de la langue romane.

Je classerai les règles de cette grammaire dans sept chapitres.

// Index:

Articles

Substantifs

Adjectifs

Pronoms

Noms de nombres

Verbes

Adverbes, prépositions, conjonctions.


Roman de Flamenca

Roman de Jaufre

Roman de Gerard de Rossillon

Chronique des Albigeois

Roman de Fierabras

Roman de Blandin de Cornouailles et Guilhot Ardit de Miramar

Résumé de la grammaire romane. Observations préliminaires. (+ Index)

Résumé de la grammaire romane.

Observations préliminaires.

Lorsque je publiai la Grammaire de la langue romane, il ne s' agissait que de préparer à la lecture des poésies des Troubadours, et je me bornai à exposer les règles qu' il était nécessaire de connaître pour comprendre facilement ces poésies.

Depuis cette publication, et à mesure que j'ai travaillé au lexique roman, j'ai reconnu que, pour le rendre véritablement curieux et utile, il était indispensable d' y insérer les mots que fournissaient d' autres documents de cette langue, surtout les ouvrages écrits en prose, et je n' ai pas hésité à donner à mon travail une latitude, un développement, qui l' a augmenté de plus de la moitié.

Ces ouvrages, appartenant à différents pays et à diverses époques, ont offert quelques accidents grammaticaux qui, sans rien changer aux règles générales que j' avais déjà recueillies, méritent pourtant d' être signalés.

Je les ai donc compris dans ce résumé, avec d' autant plus de raison que ces accidents grammaticaux se trouvent dans des exemples du lexique et même, pour la plupart, dans les nouvelles poésies romanes que je publie.

C'est ainsi que j'ai dû indiquer, dans le tableau des articles, LE, sujet au singulier, au lieu de LO, pour le masculin, et LI, en place de LA, également sujet féminin au singulier, par le motif que ces deux modifications, et quelques autres introduites successivement par l' usage ou la prononciation locale, se rencontrent assez fréquemment dans divers ouvrages en prose et en vers de la fin du XIIIe siècle, et dans les manuscrits dont l' écriture est postérieure à cette époque.

Je ferai remarquer que ce changement de désinence, quoiqu'il n' eût pas lieu régulièrement, fut peut-être occasionné par le besoin de distinguer quelquefois l' article LO, sujet, du même article LO, régime direct.

Une cause semblable fit probablement adopter au singulier l' article LI, féminin sujet, tandis que les articles féminins, régimes directs et indirects, au singulier, conservèrent LA.

Dans ma grammaire j' avais déjà indiqué DES, AS, comme contraction des articles DELS, ALS; j' ajoute aujourd'hui DEU, DEUS, et AU, AUS, comme employés quelquefois pour DEL, DELS, du, des, et pour AL, ALS, au, aux.

Quelques substantifs et adjectifs reçurent l' E final, tels que om, sanct, homme, saint, qu'on écrivit ome (1: Om prit parfois la terminaison EN, on disait omen, nomen.), sancte, au singulier, et omes, santes au pluriel.

Quelques noms, en adoptant cette nouvelle désinence, ne furent employés qu'au pluriel, tels furent verses, vers, corses, corps, grosses, gros.

De même, ayant rencontré assez fréquemment LAUS, LAUN, l' un, pour LO US, LO UN ou L' US, L' UN, je n' ai pas hésité à placer ce mot dans le lexique, et à ne pas rejeter, dans ce nouveau choix de poésies romanes, les vers où ce mot se trouve employé.

Il en a été ainsi de senhen, contraction de senher En, seigneur sire. 

Je me borne à ces indications; elles expliquent assez le but que je me suis proposé en comprenant ces légères modifications dans le résumé de la grammaire de la langue romane.

Je classerai les règles de cette grammaire dans sept chapitres.

// Index:

Articles

Substantifs

Adjectifs

Pronoms

Noms de nombres

Verbes

Adverbes, prépositions, conjonctions.


Roman de Flamenca

Roman de Jaufre

Roman de Gerard de Rossillon

Chronique des Albigeois

Roman de Fierabras

Roman de Blandin de Cornouailles et Guilhot Ardit de Miramar